La visite du Litochoro

Ce matin là, une épaisse couche de givre recouvrait le sol. La tente de Muichkine arborée une multitudes de stalagtites qui jouèrent une drôle de mélodie lorsque la tête de Muichkine apparue. Il se retira de sa tente, profita d'une brèche dans un arbre pour recueillir un peu d'eau et se lava le visage. Sa joue portait les stigmates nocturnes du relief irrégulier de sa tente. Il s'assiten tailleur à côté d'un feu éteint depuis peu qui fumé encore, et avala une gorgée d'eau, une galette de froment et quelques figues avant de jouer de la lyre pour encourager les âmes vaillantes des combattants d'Athéna. C'est alors qu'il aperçu derrière un brouillard givrant qui recouvrait le litochoro, Volo escarpant le paysage d'un pas léger avec une canne en bois d'olivier qui lui servait d'appui.
- Maître, Partagerez vous quelques figues avec moi ? Proposa Muichkine qui venait de poser sa lyre à côté de lui.

Hors des enceintes, le Litochoro : La défense du Litochoro (Thessalie, Grèce)

Après ma méditation, je sortis de ma tente pour marcher sur la terre gelée, attiré par la douce mélodie de la lyre de Muichkine. Ce dernier jouait merveilleusement bien et je ne pouvais imaginer plus doux réveil.

-Maître, Partagerez vous quelques figues avec moi ? Proposa-t-il.

Je pris place à côté de mon apprenti qui mangeait les fruits avec appétit.

-Volontiers, mon jeune ami, ces figues m'ont l'air délicieuses.

Je mangeai à mon tour avec avidité et lorsque j'eus terminé ce délicieux mais maigre repas, je m'adressai à Muichkine en souriant.


-Tu joues divinement bien Muichkine et tu me rappelles ce vieux conte dans lequel Orphée descend aux enfers en charmant Cerbère par sa musique. Où as-tu appris à jouer ainsi ?

Muichkine me parla de Pallas, son père adoptif qui lui avait enseigné la musique, puis, il me montra sa lyre.

-Un vrai travail d'orfèvre ! murmurai-je en tenant l'instrument dans mes mains.

Mal à l'aise avec une telle oeuvre d'art, je m'empressai de lui rendre pour ne pas la briser par maladresse. Mes mains n'étaient pas aussi agiles qu'autrefois...

-Et si nous visitions un peu les alentours ? proposai-je à mon apprenti.

-Je vais te montrer comment patrouiller ici. Il est des endroits où la visibilité est excellente mais il est aussi des chemins que nos adversaires ont l'habitude d'emprunter pour gravir la montagne sacrée. Tu dois connaître tout cela sur le bout des doigts.

Je m'éloignai du brasero qui nous chauffait jusqu'alors en faisant signe à Muichkine de me suivre.

Nous marchâmes jusqu'aux abords d'un escalier que les serviteurs d'Athéna avait taillé dans le granit même de la montagne en des temps immémoriaux. Des chevaliers allaient et venaient sur les marches glissantes ainsi que sur les routes sinueuses qui descendaient dans la vallée.

- Maître ! Que doit faire lorsque je suis en poste ici ? Où dois- je me placer ? demanda brusquement Muichkine tandis que nous marchions d'un pas rapide dans la neige.


Je me tournai vers lui en souriant. Le givre commençait à se former sur mes sourcils épais et sur mon nez mais j'étais heureux de pouvoir enseigner mon savoir à quelqu'un, même sous ce froid intense.

-A chaque fois que tu arrives ici, tu dois passer directement par la tente d'Enkidou, notre chef de la défense qui te donnera des instructions. Il n'y a que deux possibilités : la première est qu'il t'envoie patrouiller sur l'une des deux pistes qui descendent à flanc de montagne. En général, les patrouilles s'effectuent par quatre mais il est préférable d'être au moins sept ou huit pour pouvoir assurer ses arrières. On peut aussi t'envoyer faire le guet sur ce promontoire afin de surveiller les éventuels dangers qui viendraient soit de la vallée, soit du sommet...


J'hésitai un instant à poursuivre pour ne pas effrayer mon apprenti mais je décidai que s'il était arrivé jusqu'ici, il méritait largement de tout savoir.

-Les barbares et les impies qui vénèrent d'autres dieux viennent le plus souvent de la vallée tandis que les monstres surgissent le plus fréquemment du sommet. Tu dois savoir que le Mont Olympe est un lieu sacré pour tous les hommes mais aussi pour les dieux et nous nous trouvons exactement sur ses contreforts... D'où l'emplacement stratégique de ce village minuscule mais ô combien important !

Sous la cuirasse de son armure en cuir, le froid arrivait facilement à pénétrer mais Muichkine avide des connaissances que lui transmettait Volo en oubliait presque ses muscles tétanisés. Il leva la tête pour tenter de percer le secret du mont Olympe mais un anneaux de nuages cotonneux flotté et étouffé la montagne à très basse altitude. Il baissa la tête et en fût presque contrarié.
A chaque respiration, Muichkine laissait échapper une vapeur blanchâtre de sa bouche. Il ne connaissait finalement pas grand chose de Volo. Quel était ce long bâton qui ne le quittait jamais dans un bois chère à la déesse. D'où venait-il ?

* ... Lévistus, que se cache t-il derrière ce nom... Pourquoi ne me parles t-il pas de son histoire ?... A cette pensée suivie une question un peu maladroite.

- Votre Plastron est magnifique ! Vous avez dû combattre nombre d'adversaires terrifiants ... de monstres affreux venant de ce mont infranchissable... pour obtenir les faveurs des Oracles d'Athéna?

Il rougit de la stupidité de son entrée en matière et s'inquiéta même de la réponse de Volo.

Muichkine m'écouta attentivement pendant un long moment alors que nous marchions tous deux sur les hauteurs du Litochoro. Et quand il eut compris le fonctionnement de la garde du village, son attention se porta sur moi. Je devinai aisément qu'un vieil homme suscitait bon nombre d'interrogations de la part des plus jeunes, en particulier lorsque ledit vieillard portait une armure de garde...

-Votre Plastron est magnifique ! Vous avez dû combattre nombre d'adversaires terrifiants ... de monstres affreux venant de ce mont infranchissable... pour obtenir les faveurs des Oracles d'Athéna ? me demanda-t-il en rougissant.


Face à cette question, je ne pus m'empêcher de sourire. Je repensai à mon propre maître et réalisai que la première fois que je l'avais vu, ma curiosité quant à son armure de bronze ressemblait un peu à celle que manifestait aujourd'hui Muichkine.

-Mon jeune ami, sache tout d'abord que je ne suis ni le plus courageux, ni le plus triomphant des chevaliers d'Athéna. Et je me souviens encore qu'il n'y a pas si longtemps, j'étais face à mon maître comme tu es face à moi aujourd'hui, avide de réponses à toutes tes questions...

Je pris une profonde inspiration avant de continuer. Parfois, la nostalgie m'envahissait lorsque je parlais du passé et je ne voulais absolument pas montrer ce sentiment au jeune garçon plein d'optimisme qui me faisait face.

-Comme tous les chevaliers, j'ai combattu à de nombreuses reprises contre bon nombre d'ennemis. J'ai souvent triomphé mais je suis aussi passé fréquemment près de la mort. Mais cette armure je ne la dois pas à mes victoires face aux autres hommes ou même face aux monstres qui peuplent les sommets de cette montagne...


Les mots que l'oracle Antéros m'avait chuchoté lors de mon adoubement me revinrent à l'esprit.

-Cette armure je la dois à la bonté d'un homme qui a cru en moi malgré mon âge. Elle me récompense de mon combat permanent contre la mort et la vieillesse ; elle m'encourage à servir jusqu'à la fin la déesse pour laquelle j'ai donné ce qui me reste de jours sur cette Terre...

Je restai un instant perdu dans mes pensées avant de reprendre mon sourire habituel.

-N'oublie jamais que l'important n'est pas l'armure mais l'homme qui est à l'intérieur car l'armure, si résistante soit-elle, tombera si elle n'est pas portée par un digne chevalier.

Le son sinistre d'un cor retentit soudain dans la vallée. Des intrus avaient été repérés et nous devions reprendre nos places.

-Va demander tes instructions au lieutenant Enkidou. L'ennemi n'est jamais loin et il se peut que l'on ai besoin de toi...

J'hésitai encore un instant puis enlevai soudain un étrange pendentif d'argent que j'avais sur le cou, dissimulé sous mes vêtements.

-Cela n'a pas grande valeur mais ce collier m'a porté chance pendant de nombreuses années. Il représente la constellation de la Croix du Sud qui m'a guidé vers Athéna lorsque j'étais perdu dans le noir...

Je lui jetai alors la fine chaîne d'argent portant une étrange croix scintillante du même métal.

-Garde le et transmets-le à ton apprenti quand tu n'en auras plus l'utilité. Il a guidé mes pas jusqu'ici et désormais, j'ai d'autres porte-bonheur ; dis-je en tapant mon armure du plat de la main.

Après un rapide clin d'oeil, je quittai mon apprenti pour rejoindre mon poste.

*Les oracles l'ont bien choisi, il fera un grand chevalier...* pensai-je en disparaissant dans la brume.

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